lundi 29 août 2011

Esclave de sa liberté

Un jour il  fallut qu' ``en toute liberté`` je choisisse une profession, je terminais ma onzième année de scolarité.Le choix était relativement facile à faire: infirmière, enseignante, coiffeuse, secrétaire si je  choisissais de continuer à étudier.

J'aimais l'étude, apprendre de nouvelles choses, les sciences qui commençaient à se développer m'intéressaient  beaucoup. Je me voyais médecin; j'ai du revenir sur terre, mes parents n'avaient pas les moyens de me payer des études de médecine. Je songeai à devenir infirmière, les études  me convenaient, de plus  à cette époque les infirmières recevaient un petit salaire mensuel ce qui soulagerait mes parents.Il y avait un hic: j'avais une phobie de la mort, celle des autres. Les larmes me montaient aux yeux dès que j'évoquais le mot et toutes les émotions qui tournaient autour.

Il  ne me restait peu de choix, j'optai pour l'enseignement car j'aimais les enfants, les ados. Les cours se donnaient dans mon patelin  et je pouvais poursuivre les études jusqu'au doctorat après l'acquisition de mon premier brevet. J'ai travaillé l'été et les week-ends pour payer mes frais. J'ai d'abord obtenu un brevet B qui me donnait la permission d'enseigner au primaire et aux deux premières années du secondaire. Les soeurs de la Présentation de Marie m'engagèrent pour  enseigner au secondaire à des étudiantes à peine plus jeunes que moi, je continuais  mes études à temps partiel à Sherbrooke. En 1969 après mon mariage je retournai aux études à plein temps pour terminer mon baccalauréat à l'Ecole normale Eulalie Durocher affiliée à l'Université de Montréal.

Aussi surprenant que cela puisse paraître je n'ai jamais songé à faire de l'enseignement toute ma vie contrairement à mon mari qui en fit sa carrière .L'enseignement c'est aussi devoir faire de la discipline, celle-ci me donnait le trac de l'acteur, elle me causait des nuits d'insomnie.L'enseignement suscite les confidences, certaines m'ont plaçée dans une situation très inconfortable , j'étais tenue au secret mais je savais que j'aurais dû parler. Je me sentais impuissante et triste face à un tel dilemme.
J'enseignai aussi aux adultes, quelques- uns  qui étaient  chômeurs n'avaient pas eu le choix de leur retour aux études  et me faisaient payer par leur arrogance , leur manque de liberté.Je donnai également des cours privés à des étudiants victimes d'accidents , de maladies ou au prise avec des problèmes psychologiques. Je ne me suis jamais résignée à enseigner dans une polyvalente , beaucoup trop  ``usine`` pour mes valeurs.

Après quinze années d'enseignement , je devais passer à autres choses . Aussi quand des amies m'ont invitée à les joindre au magasin de produits naturels, j'ai hésité puis y voyant un défi je me suis impliquée à fond pendant dix ans, je pouvais continuer à apprendre ( certificat en gestion des affaires)
et reconnaître que  je préférais la Nature tout court à celle des produits.

Je n'avais toutefois pas résolu ma peur de la mort. Je choisis de l'affronter avant que la vie m'y oblige. La mère de ma belle soeur Pauline  est hospitalisée en phase terminale . Le travail de Pauline ne lui permet pas de passer de longues heures auprès de sa mère en semaine. Je lui offre deux jours de veille en semaine, mon horaire me le permettant. Je la veillai  ainsi pendant trois semaines. . La mère de Pauline n'est pas morte en ma présence, je venais à peine de la quitter...sa mort m'a appris à accueillir les émotions du moment comme elles venaient, sans paniquer  malgré les larmes. Cela m'a servi pour les trois personnes de ma famille qui sont décédées en ma présence par la suite .

J'ai fait depuis bien des choix en ``toute liberté`` mais je suis convaincue que j'ai été bien souvent esclave de ma liberté.

P.-S. Mille excuses à ma mère pour m'être enorgueillie de mes études elle qui me disait:  `` si tes études t'enflent la tête un jour , je vais te rabattre le caquet assez vite .``

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